Elections et réseaux sociaux: le pari des candidats

Après les élections municipales et avant les européennes, retour sur un sujet qui intéresse beaucoup la Khome family, les réseaux sociaux et leur impact sur les élections.

La campagne présidentielle qui a vu l’élection de François Hollande a été le vrai tournant de l’utilisation des réseaux sociaux par les candidats. Certains comme Christian Estrosi sont depuis longtemps des convaincus du web et des réseaux sociaux, et s’y expriment énormément. Les maires, selon l’éditeur de logiciel Augure sont à un peu de 75% présents sur les médias sociaux. Ch. Estrosi, Gérard Collomb ou encore Alain Juppé sont parmi les plus influents toujours selon l’étude d’Augure. Si Juppé et Estrosi ont un public plus national, Gérard Collomb par exemple a une communauté beaucoup plus locale, mais est manifestement très écouté (20 000 followers sur Twitter). Des maires présents assez régulièrement donc, mais qu’en a-t-il été pour ces municipales ?

Côté candidats : des stratégies différentes entre sortants et outsiders

On distingue deux principales catégories. Les outsiders, qui mettent beaucoup de temps et pas mal d’argent pour certains dans leur communication 2.0. C’est le cas de Patrick Menucci à Marseille (qui s’est inspiré, avec moins de succès, c’est certain, de la stratégie d’Obama), ou de Vincent Feltesse à Bordeaux. Tous deux étaient en lisse contre des maires sortants, respectivement J-Cl. Gaudin et Alain Juppé. Ce qui nous amène à notre deuxième catégorie : les sortants sûrs de leur réélection. C’est le cas notamment de François Barouin à Troyes. Ces trois hommes n’ont qu’assez peu investi les réseaux sociaux, même si ils sont comme les autres présents sur les principaux (Twitter, Facebook notamment, mais aussi DailyMotion (Gaudin), Bobler (Menucci) Instagram (NKM), Foursquare, Vine etc (on va quand même pas vous faire toute la liste !)). Le compte twitter de Barouin n’a ainsi qu’une activité très (très) limitée. Pour ces « tenors » (comme aiment dire nos amis journalistes) de la Droite, la présence sur le web est inévitable, mais ce n’est pas un enjeu fondamental de la communication de leur campagne. Sûrs de leur image, ils n’ont que peu besoin d’investir sur le terrain numérique.

Les réseaux sociaux pour quoi faire ?

Alors être sur les réseaux sociaux c’est donc inévitable, à défaut de passer pour un has-been, mais pour quoi faire ? Et c’est là la grande question. Être moderne, dynamique, proche des électeurs. Voilà les raisons recensées par les directeurs de campagne des candidats. La maire de Beauvais, Caroline Cayeux a ainsi fait son annonce sur Twitter et Facebook via l’application Bitstrips très en vogue. « Les réseaux sociaux apportent un côté dynamique, sympa et moderne. C’est un bon moyen pour mobiliser sur un évènement mais aussi pour toucher les jeunes qui ne lisent pas forcément la presse plus traditionnelle. »(1)

cayeux annonce

Moderne oui, mais cela ne suffit pas. Pour inclure et générer un certain engagement, il faut aussi passer par la case storytelling. Valoriser (ou créer de toutes pièces, c’est selon) l’aspect humain ou faire découvrir les coulisses de la campagne. Ainsi des tweets d’Anne Hidalgo affichant des photos de la préparation de son débat face à NKM sur la chaîne LCI. Même chose pour son adversaire de l’UMP qui postait des photos d’elle et de son équipe sur son compte Instagram. A chaque réseau son utilité, son format de communication. Pour raconter l’histoire de cette campagne, mais aussi faire connaître et donner de la proximité. Certains candidats ont beaucoup investit (temps et/ou argent) dans leur communication sur le web pour combler un manque de notoriété. Globalement cependant, le coût financier reste assez limité pour les candidats aux budgets moyens à importants.

capture decran instagram nkm

Côté médias et citoyens : des initiatives plus participatives

Les municipales, c’est aussi l’occasion pour les médias de lancer leurs propres actions sur le web comme les #Municigrams du site web du Monde. D’autres sites ont bien sûr créé des pages exprès, mais cette initiative du quotidien était intéressante en ce qu’elle donnait vraiment la parole aux citoyens.

Des citoyens qui ne sont pas en reste, puisque le phénomène du #selfisoloir (mot valise composé de selfie (auto-portrait avec smartphone) et isoloir) a ramené l’acte de glisser la petite enveloppe dans l’urne à la lumière. Un acte en forme de message pour combattre l’abstention qui a atteint des records. Un phénomène apparemment importé des Pays-Bas (on y élisait aussi les maires) et si important que le Ministère de l’Intérieur a dû se prononcer sur sa légalité. Et alors que l’abstention touche majoritairement les jeunes, c’est bien cette classe d’âge qui a le plus posté de selfisoloir sur Twitter ou sur Instagram. Mode ponctuelle ? Peut-être, mais elle témoigne aussi d’une volonté de se faire entendre… et de pousser les autres à faire de même.

Quel bilan pour ces municipales 2014 sur les réseaux sociaux ?

Si les campagnes sont souvent l’occasion de dérapages, les réseaux sociaux ont la fâcheuse tendance d’exacerber ces derniers. Moqueries, injures, le web est le lieu parfait pour ce que Pierre Mathiot, professeur à l’Institut d’études politiques de Lille appelle « la lettre anonyme 2.0 ». : « les réseaux sociaux sont aussi une version 2.0 de la lettre anonyme. Le contenu est le même mais la pénétration est parfois plus importante. […] On est donc passé de la violence directe à la violence indirecte. » (2). La diffusion accélérée et à grande échelle via les réseaux sociaux aura donc amplifié quelques-uns de ces phénomènes, faisant dire à certains candidats qu’il régnait une « ambiance infecte » lors de ces municipales.

Les réseaux sociaux font-ils gagner des élections ?

Apparemment pas ! NKM, très présente (267 000 followers sur Twitter au moment des élections) n’a pourtant pas réussi à décrocher le poste de maire. Anne Hidalgo, élue premier magistrat de la capitale la semaine dernière ne comptait quant à elle que 121 000 followers. Patrick Menucci à Marseille, a quant à lui connu l’une des plus cuisantes défaites de ces municipales malgré un investissement tous azimuts sur les réseaux sociaux.

Au final, selon Pierre Guillou, consultant et dirigeant du site Elus2.0, il manque surtout une vraie stratégie numérique : les candidats ne verraient le web que par la petite lorgnette, celle du buzz et des coups médiatiques.

Manque de stratégie, mais aussi parfois une certaine naïveté face aux outils. Beaucoup ne connaissent finalement pas grand-chose au fonctionnement des réseaux sociaux, leurs spécificités propres. Ils ratent donc leur cible, y perdent du temps et de l’argent, comme le reconnaissait Philippe Serre, candidat PS à la mairie de Saint-Cyr-sur-Mer (Var). « Saint-Cyr est une zone balnéaire où les gens ont un certain âge et ne sont donc pas hyper connectés. […] Au final, on s’est équipé d’une Ferrai mais personne dans l’équipe n’avait ce niveau de pilotage. »(3)

Pour les candidats aux élections, comme pour les entreprises, une chose est sûre : rien ne remplace une vraie stratégie et des compétences pointues en matière de réseaux sociaux.

 

(1) Quand les candidats battent la campagne numérique, Nicolas Richaud, Les Echos.

(2) Municipales: les réseaux sociaux se sont invités dans les dérapages, Sophie Filippi-Paoli, La Voix du Nord

(3) Quand les candidats battent la campagne numérique, Nicolas Richaud, Les Echos.